Corniche Kennedy filme l’inertie à Marseille
Le festival Cinemed ne se contente pas de présenter des films en compétition et en avant-première. Il propose également des rétrospectives pour se pencher sur l’histoire du cinéma. En 2017, Dominique Cabrera a bénéficié d’un éclairage sur sa carrière avec des projections de ses nombreux films. C’est l’occasion de la rencontrer avec son regard sur le cinéma et sur la société.
Secrets d’une cinéaste
« La mise en scène doit rendre sensible des idées et des affects », affirme Dominique Cabrera. La technique cinématographique doit se mettre au service du sens donné au film, dit-elle, à juste titre. La mise en scène doit permettre de rendre perceptible un point de vue sur un sujet donné. Soit, à Marseille, solaire. Les acteurs, les décors, les découpages techniques, avec les durées et les manières de filmer composent donc un film. « Mais la technique doit être nourrie par une inspiration », souligne la cinéaste. Elle insiste sur le découpage du métrage et la manière d’accompagner les comédiens. « Les vrais cinéastes ne font pas des films de façon industrielle, mais de manière intime et artisanale», appuie t-elle.
Pour Corniche Kennedy, la sensation de vertige prédomine. « Le découpage technique est une question artistique et pas uniquement technique. » Le tournage doit également se faire dans une bonne ambiance, avec l’implication de chaque personne quel que soit son poste. « J’essaie de faire des films de l’intérieur, de l’intérieur de soi et du sujet d’inspiration», indique Dominique Cabrera. Les comédiens doivent comprendre les aspects importants du film. « Quand je revois mes films, je vois bien les moments où c’est vivant et les moments où c’est moins vrai», avoue la réalisatrice, contrairement à bien de ses pairs.
Cinéma et société
Cabrera propose surtout une filmographie qui développe un réel regard critique sur la société. Nadia et les hippopotames évoque la grande grève des cheminots en 1995. Les discussions entre syndicalistes sont reconstituées, entre petite victoire et résignation. « On essaie de relier un moment intime, personnel, avec le mouvement social. Les manières de parler et de penser des syndicalistes sont reconstituées ».
La cinéaste fait se répondre politique et vie quotidienne. « J’essaie de penser comment la droitisation du monde retentit dans nos vies personnelles. Comment le fait que le Capital gagne contre le Travail modifie les rapports humains. Avec l’égoïsme et la peur, on va moins vers l’autre, observe Dominique Cabrera. La peur et le sentiment d’être écrasé expliquent l’inertie au bord de la Méditerranée.
La cinéaste déplore un climat consensuel et une disparition de la contestation. « A une période, on avait le sentiment de faire bouger les lignes. Aujourd’hui, on a le sentiment que ce n’est plus possible. On se replie sur soi , estime Dominique Cabrera. Mais il reste des braises de cette contestation et l’espoir de changement perdure. « Mais j’ai la sensation que tout n’est pas fini. Il y a encore de l’utopie possible», souligne t-elle, optimiste.