Nabil Ayouch présente Razzia au Cinemed
La soif de liberté guide les personnages du nouveau film de Nabil Ayouch. Razzia, présenté en avant-première européenne au festival Cinemed, décrit la trajectoire de différents personnages qui se heurtent aux contraintes de la société marocaine.
Il y a tout d’abord Abdallah est un instituteur dans les montagnes marocaines à qui des inspecteurs du régime imposent d’enseigner en arabe alors que ses élèves sont de culture amazighe. L’action se situe dans les années 1980 au moment de la réforme de l’arabisation. Les autres personnages évoluent dans le Casablanca d’aujourd’hui. Joe, un restaurateur juif, incarne une minorité culturelle. Hakim est un chanteur qui prend Freddy Mercury pour modèle et refuse de vivre dans le moule du mâle hétéro. Salima est une jeune femme qui veut vivre, danser et s’habiller librement, malgré la surveillance de son mari.
Combat pour les libertés
L’actrice et co-scénariste Maryam Touzani évoque le personnage de Salima qui lui ressemble. « Elle a les mêmes peurs, et le même désir de se libérer. C’est un personnage à l’image de beaucoup de femmes que je vois autour de moi. Elles vivent dans une pseudo liberté », observe Maryam Touzani. Mais les femmes marocaines prennent conscience de la force qu’elles ont ensemble. Une révolte ne cesse de monter, autant dans Razzia que dans le Maroc réel. « C’est important de s’approprier le corps, notre image, nos espaces de liberté », souligne Maryam Touzani.
Le réalisateur Nabil Ayouch insiste sur l’importance de la diversité culturelle et des espaces de liberté. Il grandit à Sarcelles, ville populaire et multiculturelle. « Je ne suis ni Français, ni Marocain, ni Musulman, ni Juif », décrit Nabil Ayouch. Ce qui fait de lui un défenseur des libertés individuelles et culturelles. « Les différences peuvent nous rassembler », indique le cinéaste. Il regrette la disparition de cet Islam tolérant et ouvert au Maroc. Nabil Ayouch assume un regard engagé sur la réalité qu’il décrit. Il porte un combat pour les libertés qui s’incarne dans différents personnages. « Il y a ceux qui résistent, ceux qui abdiquent et ceux qui vont au bout », indique le cinéaste.
Révolte sociale
Pourtant, le discours du réalisateur reste consensuel. Bien que ses films peuvent créer la polémique, son apologie de la diversité culturelle n’a rien de bien révolutionnaire. Nabil Ayouch se garde bien d’attaquer frontalement le régime de la monarchie. Il ne dit rien sur la répression policière des homosexuels et des manifestants au Maroc. La révolte du Rif ou le mouvement du 20 février ne sont pas davantage évoqués.
Mais son personnage le plus intéressant reste celui d’une foule de manifestants qui brandit des bâtons. Nabil Ayouch a le mérite de montrer la colère qui monte. « Il y a un sentiment chez les jeunes des quartiers populaires : hogra. C’est se sentir écrasé, opprimé, humilié », décrit le cinéaste.
« Il y a aussi une forme de hogra de l’individu sur la société, d’une classe sur une autre, ceux qui ont et ceux qui n’ont pas », analyse Nabil Ayouch. L’arrogance de la jeunesse dorée enfermée dans ses quartiers sécurisés alimente la colère de la jeunesse des classes populaires. « Une population peut se sentir humiliée par une autre. C’est une colère que je comprends », affirme Nabil Ayouch.