Farm Fatale, fantasy politico rurale
Avec son plateau dépouillé et ses épouvantails sensibles, Farm Fatale trouve un pendant esthétique à la conscience écologique. Programmée au théâtre de La Criée, dans le cadre de la 20ème édition du festival Actoral, la pièce de Philippe Quesne emprunte bravement au conte philosophique et à la fantasy.
Avec ses bottes de foin bien agencées, l’une posée au plateau et l’autre suspendue en l’air, cette pièce créée et entrée au répertoire du Münchner Kammerspiele en 2019, revêt presque les contours d’une pastorale, dans ses premiers instants. Or, la lumière éblouissante de cette scénographie immaculée s’apparente davantage à un spot alimenté par le groupe électrogène d’une ZAD, qu’à une lueur naturelle.
Paradis artificiels
L’entrée en scène des épouvantails conversant par de pudiques échanges, amène le souci d’une conservation d’un monde périssable. Avec un soin méthodique, des gestes maladroits et pourtant si précautionneux, le club des « scarecrows » s’atèle depuis des années à préserver un morceau de paradis agricole, dont ils ont notamment enregistré le pépiements des volatiles. En vase clos, ils incarnent la mélancolie d’une ruralité bouleversée par le libéralisme politique, dont Philippe Quesne fait s’entrechoquer les temporalités par l’intervention d’un personnage venu de la ville. Et la narration d’emprunter au conte philosophique, par l’émergence de questions d’une candeur désarmante, quand le temps long de la campagne est bouleversé par la frénésie urbaine.
Politico-fantasy
L’élément perturbateur que fait intervenir Philippe Quesne, au beau milieu du temps long de ses épouvantails sensibles à leur environnement, s’appelle Pécuchet. Cet inénarrable domestique revenu de la ville politise, de par sa présence, le monde rural dans lequel il fait irruption. Avec son gilet jaune accroché à la ceinture, il fustige le glyphosate et s’émerveille de la ponte d’un oeuf, qu’il porte littéralement à bout de bras, façon Saint Graal luminescent. Vêtus de vêtements et de masques informes, le groupe se découvre, s’entend à former une masse oscillant entre archaïsme et modernité, au rythme d’un cheminement ponctué par des fulgurances collectives entre lutte politique et formules magiques de fantasy.
Comme si la résolution des crises environnementale, fomentée depuis la campagne, s’organisait à coups de chansons intimidantes et d’incantations divinatoires, les personnages de Farm Fatale poursuivent leur cheminement candide et halluciné, dans cette grande jacquerie allègrement orchestrée.