L’usine de rien, film choral
Voilà un long métrage où les ouvriers s’emparent de leur usine dans une fiction qui mélange les registres, en passant par le polar et la comédie musicale. Avec L’usine de rien (A Fabrica de nada) le réalisateur Pedro Pinho propose surtout un regard plutôt critique sur l’économie.
Dans cet ovni portugais, ni vraiment documentaire, ni vraiment film d’auteur, une entreprise d’ascenseurs doit fermer, mais ses salariés refusent la fatalité du licenciement. Ils décident d’organiser un mouvement de grève et prennent le contrôle de l’usine de production. Les cadres sont congédiés et l’entreprise est occupée. Tout l’intérêt du propos réside dans la discussion sur l’autogestion. Anselme Jappe estime que, même sans patron, les ouvriers demeurent dans le cadre d’une logique marchande, avec sa comptabilité contrainte par le capitalisme.
L’usine de rien parvient à relier sans mal fiction et réalité. On suit avec intérêt les problèmes d’un jeune ouvrier et l’impact des problèmes sociaux sur sa vie de couple. L’usine de rien mêle différents genres et propose une forme originale, malgré quelques longueurs. On y voit une contradiction politique, en grand écran. D’un côté, le film met en lumière des ouvriers qui discutent en assemblée, sans chef ni bureaucrate pour les encadrer. De l’autre, des intellectuels papotent gentiment autour d’un bon repas. Le lien entre les deux est réalisé par un étrange personnage barbu qui incarne la vieille avant-garde intellectuelle. Celui-ci contacte une entreprise autogérée et prend la décision tout seul de relancer l’usine, obligeant son monde de tremper dans son obscure magouille. Pourtant, cet intellectuel gauchiste est présenté comme un sauveur.
Comme avec François Ruffin, les ouvriers semblent démunis face à l’action indispensable de l’intellectuel. La lutte des classes, et l’affrontement face au patronat, transparaît difficilement. Dès lors, les débats portés à l’écran évoquent davantage la comptabilité que les stratégies pour étendre la lutte. Pourtant, faire un (trop) long film sur la crise économique reste un pari audacieux à saluer.
L’Usine de rien (A fabrica de nada) de Pedro Pinho, en salle le 13 décembre 2017