La mort se mérite selon Serge Livrozet
Serge Livrozet reste une figure méconnue de la contestation des années 1968. Mais son parcours est suffisamment passionnant pour lui consacrer le film La mort se mérite. Le jeune réalisateur Nicolas Drolc rencontre Serge Livrozet à l’occasion de son précédent film, Sur les toits , consacré aux révoltes des prisonniers au début des années 1970.
Serge Livrozet revient sur son parcours. Il rejette le travail, les petits chefs, toute forme d’autorité et d’injustice. Ce qui le conduit tout droit vers la délinquance et le cambriolage. Il se retrouve en prison. Il découvre les écrits de Karl Marx et la réflexion politique. Serge Livrozet embrasse ensuite le mouvement de Mai 68 qui attise sa révolte. Il décide alors de lutter par rapport à une situation qu’il connaît bien : celle de prisonnier. Il fonde alors le CAP (Comité d’action des prisonniers. Son journal relaie régulièrement la colère des taulards.
Mais Serge Livrozet ne se contente pas de revenir sur ces souvenirs. Il développe ses propres analyses sur la prison et la société inégalitaire. « Tout prisonnier est politique » affirme une banderole du CAP. Les taulards sont issus des classes populaires. C’est la misère sociale qui les conduit vers la délinquance. L’ancien cambrioleur justifie alors le vol et l’expropriation. « Moi je considère que le pauvre a le droit de voler le riche« , tranche Serge Livrozet.
Le militant libertaire s’oppose au discours dominant sur la prison. Il relativise l’amélioration des conditions de détention. Les prisonniers sont toujours plus nombreux, entassés dans des taules surpeuplées. Serge Livrozet reste révolté contre cette société qui repose sur les inégalités sociales et produit l’enfermement. Il refuse toute forme d’aménagement de l’ordre existant. Sa solution reste la destruction du monde marchand pour inventer une société libertaire.
Le réalisateur propose des réflexions pertinentes et toujours lucides. En revanche, l’ancien militant libertaire doute des possibilités d’une révolution sociale. Il a connu la contestation de masse des années 1968. Il estime même que les révoltes actuelles sont trop faibles pour renverser l’ordre social. Le vieux militant ne pense plus vivre un grand moment de révolte capable de changer la société.
Le film relaie alors ce regard sombre et pessimiste, sans aucune autre perspective. Seul le témoignage de Serge Livrozet est hélas pris en compte. Au-delà de son constat lucide, il ne dessine aucune perspective émancipatrice.