Joseph Arthur : Je ne suis plus guidé par mon ego et c’est une bénédiction

<strong>Joseph Arthur : Je ne suis plus guidé par mon ego et c’est une bénédiction <strong>

Peu d’artistes au monde cheminent autant avec leur public que Joseph Arthur sillonnant les routes au fil des concerts donnés aux quatre coins de l’Europe. Quelque chose d’ascétique dans son parcours nouveau, dépouillé de tous les intermédiaires inhérents aux grandes salles qu’il remplissait autrefois, revêt une charge spirituelle à la fois brute et charmante. Après s’être attiré les foudres de la presse américaine au moment de son opposition au vaccin durant la pandémie de 2020, le musicien a littéralement changé d’existence. Déménageant de New York à l’Arizona, Joseph Arthur a littéralement désossé le superflu pour ne conserver que l’essentiel : une écriture invariablement poétique, plus forte que les pertes qu’infligent parfois la vie.

Entre Montpellier, Marseille et Paris, où il expose à la Galerie de la Clé jusqu’au 29 mars, Joseph Arthur est revenu sur son extraordinaire trajectoire, lors d’un entretien au soleil.

D’où vient l’inspiration de ce nouvel album, très axé sur les notions de pardon et d’espoir ?

J’ai traversé tout un processus de guérison avant cet album. En prenant conscience que le diable existe au sein de notre monde, j’ai travaillé sur le pardon pour réaliser Ho’Oponopono, qui est un titre très simple dans sa composition mais que j’introduis toujours en demandant aux spectateurs de penser à des personnes qui les ont trahis. Tout le monde a quelqu’un en tête.

Longtemps, je suis resté aveugle au fait que les gens puissent parfois agir avec des intentions machiavéliques. Le plus grand tour que le diable puisse jouer réside dans la façon dont on pense qu’il n’existe pas. C’est ainsi que les gens peuvent, à certains moments de la vie, se comporter de manière diabolique. Mais le pardon doit, selon moi, triompher et c’est dans cette optique que Ho’Oponopono, consistant à dire que l’on aime et que l’on est désolé, compte. Sans pardon, tu es piégé dans un système de pensées personnel. Seul le pardon permet de passer à autre chose. C’est important de chanter cette chanson avec le public, de répéter, on peut sentir l’élévation que produit le refrain dans la pièce.

Qu’est ce qui t’a conduit à penser ainsi ?

Le fait de tout perdre et de tout recommencer. La vie m’a rendu humble. Je ne suis plus guidé par mon ego et c’est une bénédiction. La plupart des gens passent leur vie à gonfler leur ego, à nourrir des illusions. Mais lorsqu’on comprend que l’ego est né dans l’enfance, que c’est une construction, une illusion, essentiellement une entité, que c’est une part importante de notre psychologie. Quand on est jeune, cette énergie née de l’égo est acceptable, mais elle vieillit très mal. Au début, ça peut être attirant, ça fonctionne. Mais au fil des années, ça fracture, brise, paralyse de plus en plus. Dans ce grand voyage qu’est la vie, cela fait briller puis ternit.

Ce titre pivot qu’est Ho’Oponopono relate ton expérience personnelle…

Très clairement. La plupart du temps, de mauvaises choses arrivent tôt ou tard dans nos existences. Il m’est arrivé d’aller courir 16 kilomètres dans New York, avec Ho’Oponopono en boucle dans mes écouteurs en pensant à ceux que j’avais envie de pardonner, ou de m’endormir en écoutant ces enregistrements de huit heures. Je passé par des étapes compliquées, même avant le Covid.  Ce n’est pas très amusant de répéter les mêmes phrases comme « s’il te plaît, pardonne-moi », comme je le fais dans cette chanson, mais ça consiste à prendre ses responsabilités et à reprendre le pouvoir sur sa vie. C’est faire quelque chose. Parce que l’on est tous responsables par notre conscience, notre libre-arbitre. C’est le contrepoint de la mentalité de victimisation de sa personne. Le monde actuel incite au narratif de victime, mais cela n’est qu’un piège. A contrario, cela ne signifie pas qu’une victime n’est pas légitime. Il faut simplement être attentif à certains discours qui s’approprient celui des vrais victimes.

Tu penses que chacun traversa une trahison durant son existence ?

Sincèrement oui. Être poignardé dans le dos est fréquent et ceux qui l’ont été doivent passer par un parcours héroïque, à différents stades.

À quel point le bannissement de l’industrie musicale ton tu as fait l’objet t’a-t-il affecté ?

Pendant longtemps, avoir été « cancelled » parce que j’avais exprimé mon opposition concernant le vaccin contre le Covid, a été difficile, mais je ne le regrette absolument pas même si ça a pu être le cas immédiatement après. Pour autant, je ne suis pas une victime. J’ai choisi de dire cela. Alors bien sûr, je pourrais dire que ce n’est pas juste, appeler un ami qui me dira que j’ai vraiment raison d’être en colère, afin de nourrir ce dont l’ego se délecte secrètement : la victimisation de soi. L’exemple le plus éclatant de ce schéma bien connu s’articule quand deux egos sont en train de se convaincre que c’est une bonne chose d’être dans la colère, bien que ça aille nulle part. Donc, je ne regrette pas d’avoir décimé mon ego, d’avoir appris l’humilité. J’ai été plutôt chanceux de pouvoir travailler sur le pardon. Ma vie est finalement plus facile maintenant qu’avant. Je suis là, dans le présent. Finalement, ma vie est plus facile, plus agréable, depuis que j’ai été « cancelled ». Je ne me plains pas du tout.

À quoi ressemble ton quotidien aujourd’hui ?

Je commence chaque journée par des exercices de respiration et de la méditation. Ce n’est pas grand-chose, ça permet d’être à la recherche de l’instant présent. Désormais, je suis dans un état permanent qui consiste à observer mes propres pensées. Je ne confonds plus jamais ce qui émane de moi et la réalité. Et si ça m’arrive, je m’en aperçois au bout de quelques secondes. Il y a quelques temps, je suis vraiment parvenu à un état d’identification au présent. J’étais dans le moment, tout le temps. Cela m’a permis d’atteindre une sorte d’état de félicité, durant plusieurs mois et je ne voulais rien entreprendre pour perturber cela. Seule la question « est-ce que je refaire quelque chose à nouveau ? », a troublé cette période. Je n’avais aucune motivation pour entreprendre quoi que ce soit. J’étais donc à la fois préoccupé, mais je savais au fond de moi que cela était superflu, qu’il fallait seulement attendre le moment durant lequel la motivation reviendrait. Mais pas d’un questionnement provenant de mon esprit, plutôt du moment présent. Et c’est exactement ce qu’il s’est passé ensuite. Je suis motivée par autre chose que la peur de ne rien faire ou l’attendre de l’approbation des autres.

Justement, te voilà à nouveau en tournée en Europe…

Je ne pensais pas que je referrais une tournée. J’étais persona non grata. La façon dont je gagnais ma vie depuis 25 ans avait disparue, j’avais quasiment perdu mon identité mais en même temps ça a changé mes perspectives. D’ailleurs, même si je gagnais très bien ma vie avant, mais ce n’était jamais assez.

Aujourd’hui, je suis très heureux que cette tournée se passe bien. Mes performances sont vraiment axées sur la lumière et l’amour que je peux apporter à ce moment-là. C’est ma motivation. Avant, j’étais motivé par la perspective d’obtenir quelque chose de la part du public : de l’approbation, de la validation… Maintenant, je veux donner. Depuis un an et demi, c’est mon but. C’est concomitant de la prise de conscience que j’ai eue lorsque j’étais en pause. Ce n’est évidemment ni tout blanc ni tout noir, mais mon ego a été soigné.

Tu as invité Mélanie Gabriel à te rejoindre pour certaines dates, à Montpellier, Marseille, en Angleterre. Votre duo est une nouveau sur scène mais vous vous connaissez depuis longtemps…

Nous nous connaissons depuis que son père, Peter Gabriel, m’a signé en 1996. Nous sommes unifiés par une façon de penser, de travailler et créer ensemble. Il y a une dimension spirituelle, et l’histoire que l’on a. Son père a joué un rôle très important dans ma vie, et nous évoluons dans une dimension familiale. Mélanie est une véritable sœur pour moi. C’est elle qui a eu l’idée de me rejoindre, d’abord en Angleterre et ça a très bien fonctionné.

Tu joues dans des petites salles alors que tu remplissais La Cigale ou le Bataclan autrefois. Comment le vis tu ?

Si j’étais encore dirigé par mon ego, je serais en train de comparer, mais je suis vraiment heureux d’être là. Je suis vraiment heureux de jouer à nouveau de la musique pour les gens. Toutes les occasions sont bonnes pour amener de la présence et de l’amour. Ça peut être avec quatre personnes, dans une toute petite salle. Avant, personne ne me disait avoir ressenti cette énergie, cet amour dans mes concerts. On me disait que c’était un bon show, mais ça n’a rien à voir. Maintenant, il y a quelque chose de transcendant dans ma musique. Ça ne veut pas dire que je jette toutes mes chansons de l’époque, car je pense que ce sont les meilleures que j’ai.

Est-ce que tu crées différemment à présent ?

Je dirais que oui. Mon écriture a évolué, je suis plus libre, moins effrayé, il n’y a plus de limites. Comme je l’ai dit, je ne cherche plus l’approbation du monde extérieur. Bien sûr, je souhaite l’abondance, mais j’ai complètement foi en le futur.

La sémantique de tes textes a souvent fait référence à cette foi et à Dieu. Quel est-il aujourd’hui ? Es-tu croyant ?

La chrétienté résonne en moi. C’est d’ailleurs la seule religion dont je sais quelque chose. Donc ça résonne en moi comme la vérité. Tout ce que j’ai dit précédemment existe dans la religion chrétienne. Mais les gens sont très scrupuleux vis-à-vis du dogme. Mais pour moi, la seule présence vient de Dieu, est Dieu. Jésus savait cela, il était conscient et capable de nous enseigner ça.

Propos recueillis, traduits et adaptés par Géraldine PIGAULT



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