Akram Khan assure sa succession chorégraphique avec Gigenis

<strong>Akram Khan assure sa succession chorégraphique avec Gigenis <strong>

Akram Khan avait fait ses adieux à la scène en 2018, avec Xenos, une pièce créé au moment du centenaire de l’armistice de la 1ère Guerre Mondiale, où il incarnait un jeune indien enrôlé dans l’armée britannique. Cette traversée chorégraphique, spirituelle, de la joie initiale vers la brutalité des corps ensauvagés sous la violence du feu, était chargée de pigments ocre et d’une mélancolie palpable. On ne pensait plus revoir Akram Khan danser le Kathak, fouler le plateau en virtuose de cette danse indienne dont il connaît chaque mouvement, jusqu’à les transfigurer.

Et puis, finalement, l’annonce de Gigenis, The Generation of Earth, créée au Grand Théâtre de Provence le 30 août dernier, en heureuse ouverture de saison. Pour cette pièce collective, le chorégraphe londonien a rompu avec l’ensemble de ses œuvres précédentes, revenant sur scène accompagné de huit danseurs virtuoses, solistes pour la plupart, apparaissant comme successeurs. Akram Khan modifie son approche, signe là un véritable testament chorégraphique, devant des spectateurs pris à partie de cette précaution assurant la continuité de sa danse prolifique.

À cour et à jardin, des musiciens bordent le plateau, rythment une danse saccadée et déliée, qui s’inscrit dans un chapitre du Mahâbhârata. Celui-ci raconte la guerre, la mort, à travers la voix d’une épouse pleurant son défunt mari, et dont les deux fils représentent tempérance et démesure.

Dans la salle, les yeux sont rivés sur la force de cette danse virevoltante, qui s’incline et se révolte tour à tour face au poids du deuil et à ce qu’il advient après la disparition. « This is not war. This is the ending of the world » résonnent de manière anaphorique et entêtante, tandis qu’Akram Khan et ses danseurs forment un trio articulant les rituels mortuaires. Innervé par la force de mouvements ritualisés, ancestraux, exécutés au cordeau dans des saris multicolores, l’espace scénique se transforme peu à peu en fascinante fable orale et dansée, initiatique, entre le célèbre chorégraphe et ses disciples. Une précaution, un leg, de ce qu’il choisit dès maintenant.

« He was a father. I was a mother. I have been alone. He was a soldier. He has been killed », poursuivent cette présence auditive par laquelle musique et voix off, indissociables de ce conte initiatique, amènent une dimension poétique à l’ensemble, empreint de l’acceptation de la douleur dans la continuation.

C’est bien de cela dont il est question partout dans Gigenis, qui constitue une charnière entre deux générations de danseurs, un passage de témoin entre celui qui a initié l’entrée du Kathak sur la scène contemporaine et ceux qui, après lui, continueront. De son vivant, Akram Khan réussit une fascinante transmission, inscrite dans un partage émouvant et lucide quant à l’éphémère passage des vivants sur terre.

Gigenis, the generation of the Earth
Direction artistique Akram Khan
avec : Akram Khan, Sirikalyani Adkoli, Renjith Babu, Mavin Khoo, Mythili Prakash, Vijna Vasudevan
Musiciens : BC Manjunath (percussions Mridangam), Rajeev Kalamandalam (percussions Mizhavu), Hariraam Lam (violon), Nina Harries (contrebasse) 
Voix Sohini Alam, Chitra Poormina Sathish, Rohith Jayaraman

Durée : 1h10

Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
les 30 et 31 août 2024

Théâtre des Champs-Elysées, Paris
du 11 au 14 janvier 2025



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