Stalingrad Khronika, la propagande en bulles
Stalingrad, fin 1942, l’armée rouge est en bien mauvaise posture, tandis que la Wehrmacht paraît invincible. C’est dans ce contexte historique particulier que le piètre réalisateur Yaroslav est chargé de filmer la guerre. Pour l’accompagner dans cette démarche, Simon, un autre cinéaste se joint à lui. Ce dernier n’a pour ainsi dire pas le choix, il sort du goulag et n’a plus sa place dans l’histoire officielle, lui qui a pourtant fréquenté Staline d’assez près. Un Commissaire politique supervise le tout d’une main de fer.
Une question brûle pourtant les lèvres dès les premières planches de Stalingrad Khronika. Pourquoi le petit père des peuples ne confie-t-il pas la réalisation de ce film de propagande au grand Serguei Eisenstein ? La réponse est claire, après ses multiples voyages à l’étranger et notamment aux Etats-Unis, le cinéaste suscite une certaine méfiance chez les hauts dignitaires du régime. Ce qui ne l’empêchera pas de tourner Ivan le terrible quelques temps plus tard.
L’histoire relativement simple permet de suivre l’armée rouge dans un contexte militaire très délicat. Un théâtre où derrière les tutoiements et les « camarades » de rigueur, la peur est ressentie à tout instant. Peur de l’ennemie, peur de l’internement, chaque mot est pesé. « Tu n’as pas le droit de remettre en cause le jugement du grand Staline, je vais te dénoncer », lance ainsi un jeune soldat plein de fougue, mais sans aller plus loin. On sourit parfois mais pas longtemps puisque la sévérité implacable du régime communiste revient sans cesse dans les vignettes. Les personnages sont tellement centrés sur leurs rivalités qu’ils en oublieraient presque la guerre qu’ils sont censés filmer. Et on touche sûrement là à la limite de la BD de Bourgeron et Ricard, on est bien loin ici des récits de guerres classiques, à l’image de Corto Maltese immergé en pleine guerre russo-japonaise en Mandchourie. Le scénario et les intrigues nouées entre les personnages suffisent néanmoins à nous tenir en haleine d’autant plus que la fin s’avère vraiment inattendue.
Stalingrad Khronika , dessin de Bourgeron et scénario de Ricard
Dupuis, 24 €