L’époque épique
L’époque donne la parole à la jeunesse de façon désarmante et directe. Devant la caméra de Matthieu Bareyre, des hommes et des femmes d’une vingtaine d’années confient leurs rêves, leurs espoirs, leur vision de la vie, de l’amour et de l’avenir. Mais surtout leurs cris de révolte.
Par ces propos recueillis dans un Paris nocturne, entre 2015 et 2017, entre les attentats et les ordonnances Macron, en passant par le mouvement contre la loi Travail, Matthieu Bareyre retranscrit une ambiance singulière, entre illuminations commerciales et occupation policière dans une capitale en état d’urgence. On y voit la jeunesse parisienne flâner entre fêtes sauvages et insurrections sur chaque plan.
Le long métrage recueille surtout des témoignages de jeunes gens singuliers : même la jeunesse dorée de la bourgeoisie parisienne grandit dans un monde vide de sens. Un étudiant en école de commerce rêve d’un autre avenir que son destin programmé de cadre moyen, alors qu’une étudiante en prépa se sent davantage vivre au cœur des black blocs et des émeutes que plongée dans ses livres scolaires.
Il est aussi question d’une jeunesse plus précaire, sans emploi ni diplôme, tournée vers la délinquance pour survivre, mais L’Epoque s’attarde bien peu sur les problèmes matériels comme le logement, l’emploi ou la précarité. De manière révélatrice, les mots exploitation ou capitalisme ne sont d’ailleurs jamais prononcés.
En revanche, la jeunesse de toutes classes sociales s’unit face à une police détestée. La casse, l’émeute et la révolte brute deviennent la seule perspective dans cette réalisation qui ne montre pas davantage de désir d’inventer une autre société.
Néanmoins, après la projection, le public retrouve une envie d’en découdre. Contrairement au cinéma de gauche larmoyant et misérabiliste version François Ruffin, la jeunesse ne se contente pas de pleurnicher ici. Les scènes d’émeutes montrent largement des jeunes qui relèvent la tête. L’époque ne se contente pas de dénoncer, mais incite aussi à l’action et au désir de révolte.