Le Concours griffe le 7ème art
La prestigieuse école de la Fémis forme l’élite du cinéma français. Dans Le concours , Claire Simon propose une immersion dans la redoutable sélection de cette grande école. Elle pose sa caméra du côté du jury et des examinateurs. Elle a enseigné pendant 10 ans dans la section réalisation de la Fémis, ce qui lui permet de capter des moments inattendus. Le film montre une mécanique de sélection sociale mais aussi la vacuité du cinéma français.
Homogénéité sociale
Le concours s’ouvre par un premier tour, avec une enquête écrite. La maîtrise de la langue, la culture et l’organisation de la pensée opèrent une première sélection sociale. Ensuite, les oraux relèvent encore plus ouvertement de la discrimination de classe. Les candidats doivent savoir se mettre en avant et connaître toutes les ficelles de l’esbrouffe de Grandes écoles. Même si le jury est conscient de ces limites, les produits de Sciences Po restent les plus à l’aise avec cet exercice. Le film dévoile le mépris de classe de professeurs eux-mêmes formés par la Fémis. Ces cinéastes de gauche se préoccupent de diversité sociale. Mais ce sont surtout des fils de bonne famille qui sourient sur les photos d’entrée à la Fémis.
Guillaume Boulangé , qui enseigne à la fac de Lettres de Montpellier, propose un regard acéré sur le film au cours de sa projection au cinéma Diagonal. Le concours fait voler en éclats « le fantasme d’une école qui reposerait sur la méritocratie », observe l’universitaire. Les critères d’évaluation et de sélection renvoient aux codes de l’entre soi de la bourgeoisie parisienne. « A la Fémis on recrute surtout des personnalités. Il est bien vu d’avoir traîné trois mois en Sicile et de savoir bien le présenter », ironise Guillaume Boulangé.
Dans le public du cinéma, un candidat confirme le constat d’une endogamie sociale. « C’est une classe sociale qui en reproduit une autre », observe le jeune homme. Les professeurs sélectionnent par rapport à leur propre vision. « Le choix des étudiants est conditionné par la classe sociale et par la culture à laquelle on appartient », confirme Guillaume Boulangé.
Conformisme du milieu du cinéma
Le film de Claire Simon interroge également sur le petit milieu du cinéma français et sur son nombrilisme. Le concours suscite des réactions très diverses dans la profession. « Le film renvoie des choses très violentes pour les candidats », souligne Guillaume Boulangé. Les professeurs se moquent et peuvent lâcher des remarques cruelles. Le point de vue des étudiants n’est absolument jamais évoqué. La violence et la brutalité du processus de sélection choque.
Mais Le concours peut aussi apparaître cruel pour le jury et pour le cinéma français. Les cinéastes et les candidats vivent dans le confort des beaux quartiers. Ils ignorent les problèmes sociaux et politiques. Ils se contentent d’histoires lisses et d’amourettes insipides. Le cinéma français n’a rien à dire, aucune révolte, aucun regard critique sur la société.
Au final, la subjectivité et la créativité ne peuvent pas s’exprimer. Les candidats qui montrent la moindre originalité créent le débat, et donc le clivage. Les professeurs veulent des étudiants sages qui proclamment leur amour du cinéma sans faire de vagues. La sélection privilégie le consensus et la pensée tiède. Le moindre signe de folie créative devient suspect. Claire Simon reflète ce cinéma. Elle se contente de poser sa caméra et de filmer. Aucun regard critique, aucune ironie ne transparaît de la part de la cinéaste. Aucun candidat n’est même interrogé pour montrer un contrepoint. Le concours paut aussi refléter le nombrilisme fade d’un milieu auto-centré.
Néanmoins, le film peut alimenter des débats et des réflexions critiques. Chaque spectateur peut se faire son propre avis. Il en ressort que la Fémis semble terriblement archaïque. Tout comme une industrie du cinéma qui produit des longs métrages ultra marketés et des films bien souvent sans grand intérêt autre que le divertissement.